Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Nouvelles_d'ailleurs
24 février 2008

MARLENE

Marlène travaille chaque soir au bar " Le Boléro". Chaque soir, enfermée dans la loge trop petite pour les accueillir elle et les autres danseuses, elle quitte ses frusques pour revêtir les quelques grammes de tissus qui ne recouvrent de son corps que le plus précieux et monte sur la scène enfumée de ce lieu où se retrouvent les plus étranges spécimens de l' espèce humaine. Sans motivation elle courbe son corps dans une danse féline qu' elle connaît par coeur.On est loin des chorégraphie à la Maurice Béjart mais elle tente de se convaincre que les quelques feulements et autres halètements qu' elle pousse de manière mécanique pousseront certains des clients à lui glisser un billet ou deux entre l' élastique de son string et sa peau pailletée.

Le monde a changé de visage depuis longtemps lorsque Marlène rentre chez elle.Alors que beaucoup dorment les poings fermés, d' autres ne rêvent que de rencontres nocturnes pour ne pas finir seuls entre deux draps dans une chambre mal chauffée. Marlène marche vite, pressée d' en découdre avec le réfrigérateur qui contient encore quelques restes du repas de ce midi. Demain elle se l' est promis, elle ira à la supérette du coin faire des provisions. Il faut dire que l' on n' est pas à Las Vegas ici. Les pourboires sont rares, les clients radins ou fauchés.La plupart ne la regardent d' ailleurs se dandiner que d' un oeil morne lorsqu' elle danse devant eux, préférant s' assurer d' avoir devant eux un verre toujours plein. Marlène a du mal à joindre les deux bouts. Elle ne voit plus sa fille depuis que cette dernière est partie. Marlène n' est plus toute jeune. Elle n' a plus la possibilité de s' investir autant que par le passé. Ses rivales lui mènent la vie dure, tentent de la convaincre d' abandonner son métier, la poussent vers l' extérieur, mais elle tient bon. Oh pas par passion.Qui d' ailleurs pourrait aimer vraiment se donner en spectacle devant un parterre d' yeux lubriques et fatigués? Non, simplement parce que Marlène n' a pas d' autre choix que de retourner chaque soir dans ce bar pour subvenir à ses besoins. Ces derniers sont pourtant si misérables.Un frigo plein et les factures à payer.Pas de quoi pousser les gens à la jalousie.

Assise derrière le zinc de la cuisine américaine un verre de lait à la main, elle jauge la tapisserie rayée du séjour et pense qu' un jour il faudra passer par dessus une épaisse couche de peinture. Elle réalise soudain combien il est facile d' effacer certaines choses quand d' autres semblent devoir vous suivre jusqu' au dernier souffle. Sa famille, elle n' en n' a plus.De toute façon, les rares souvenirs qu' elle en a ont pour elle autant d' importance que ces cauchemars dont on se réveille et que l' on s' efforce d' oublier avant de fermer à nouveau les yeux. Le reste de Hachis vite ingurgité, elle a pris soin de ses cheveux et de ses dents en frictionnant les premiers et en brossant les secondes. La salle de bain est à l' image du reste.Comme son intérieur, comme sa vie ou encore son regard, elle est triste à pleurer. L' humidité semble être victime d' on ne sait quel sort puisque là où se pose le regard, de douteux dessins bariolent une tapisserie à l' origine d' un bleu uni. La chambre dans laquelle chaque soir Marlène vient se réfugier semble être la seule pièce à avoir un semblant de chaleur. Une simple lampe de chevet tamise les murs d' une aura chaleureuse alors que quelques vestiges comme cet ourson brun à l' oeil droit exorbité lui rappellent que désormais elle n' est plus vraiment seule. C' est avec toujours ce même empressement qu' elle ôte ses vêtements pour revêtir cette fois-ci ceux qui l' accompagneront le restant de la nuit. Allongée, elle fait sans réellement croire en Dieu, une prière pour le lendemain. Elle espère toujours entrevoir la lumière qui lui offrira des jours meilleurs. La photo de sa fille reposant comme à son habitude sur sa poitrine, elle éteint la lumière, ferme les yeux et attends que le sommeil l' emporte...

L.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Publicité