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Nouvelles_d'ailleurs
25 février 2008

HOMICIDE

1ère Partie

C' est de l' immeuble d' en face que cet homme que je déteste sans pour autant le connaître s' accoude sur la balustrade de son luxueux appartement. Je le déteste parce que le rituel auquel il s' adonne n' est pas celui de fumer une cigarette en prenant l' air et moins encore de remplir ses poumons d' un bon bol d' oxygène. Non, la raison pour laquelle un tel individu ne fera jamais partie de mon carnet d' adresse est qu' il a pris la fâcheuse habitude de placer son regard derrière une paire de jumelles. Chaque soir en effet, fidèle à ce qui semble être une obsession, il éteint les lumières du salon pour disparaître aux yeux du monde dans la noirceur du début de soirée et regarde dans l' objectif grossissant de sa "compagne" binoculaire afin de laisser libre cours à ses penchants de voyeurisme.

Je me souviens de cette toute première fois où je l' ai vu. Peut-être avait-il déjà l' habitude de pratiquer ce rite immuable depuis très longtemps et j' eu comme un frisson à l' idée qu' il devait épier chacun de mes gestes sans que j' en ai le moindre doute. Je retrouvais alors l' esprit de très lointains ancêtres en mettant de coté mon intelligence pour retrouver cet état primaire et juger cet homme de "vieille tante" avant de comprendre que je n' étais pas l' objet de ses fantasmes. Sa victime était Marie, la voisine qui vivait juste en dessous de chez moi et dont les charmes malgré l' âge avancé excusaient presque la fébrilité de l' homme d' en face qui avait dû un soir d' été tomber sur elle alors qu' elle devait se promener dans son appartement simplement vêtue d' un léger voile de tissu. Je l' avais déjà vue moi aussi en petite tenue et j' avoue avoir ressenti une boule de chaleur descendre alors jusque dans mon entre-jambes. Mais de là à pousser le vice jusqu' à l' épier chaque nuit...

Depuis cette toute première fois où je l' ai aperçu regarder vers notre immeuble à Marie et moi, des mois ont passé et j' ai cessé depuis de compter les jours. Cette nuit pourtant, il est déjà plus de une heure du matin et l' homme n' a toujours pas fait surface. Habituellement toujours à l' heure, il est en retard d' une bonne heure ce qui n' est pas dans ses habitudes. Il y a environs deux semaines, je n 'ai pu m' empêcher d' acheter une paire de jumelle en chinant dans une broquante du quartier d' à coté pour à mon tour sortir sur le balcon le soir et me lancer dans une enquête personnelle. Payée une poignée d' euros, je regrette désormais de ne pas m' en être procuré une paire plus chère mais nantie d' infrarouges qui m' auraient permis de scruter dans la nuit l' homme qui me faisait habituellement face. Les yeux mis-clos, je force le regard pour tenter de percevoir dans l' obscurité le moindre détail qui confirmerait la présence du voyeur chez lui. Mais rien. Absorbé par ma volonté de comprendre, j' ai alors à peine conscience du bruit sourd qui se produit dans l' immeuble.Évidemment je suis incapable de dire d' où il provient et de toute manière cela n' a pas de réelle importance tant que je n' arriverai à savoir où est passé l' homme d' en face.

Deux heures du matin. Toujours rien.L' espace entre l' immeuble d' en face et le mien restait désespérément vide. Pas le moindre mouvement ni encore moins le moindre bruit ne venait déranger cette nuit de pleine Lune. Marie qui habituellement écoute une musique tonitruante dès son retour du travail vers minuit sans se fier à l' heure tardive ni aux voisins semblait absente ce soir. Allongé sur le sol, l' oreille collée à la moquette épaisse du salon, j' essayais de percevoir le moindre son venant de son appartement mais seul le silence semblait pouvoir répondre à ma curiosité. Épuisé par ces heures d' attente, je rangeais alors les jumelles dans leur boite avant de placer cette dernière dans le tiroir du salon qui lui est dévolu. Après avoir bu un grand verre d' eau je me dirigeais vers la chambre sans même penser à me laver les dents et m' allongeais tout habillé au dessus du lit défait de la veille. L' oeil pointant vers le plafond, une foule de sensations traversa mon esprit. D' abord l' incompréhension. Comment expliquer l' absence de l' homme qui depuis des mois pourtant n' avait jamais cessé de s' intéresser à Marie ne laissant pas un seul jour passer sans avoir été jeter un regard sur son intimité? Ensuite la jalousie. En effet, se pouvait-il que le soir même où l' homme n' était pas venu sur son balcon Marie soit sortie ? Je les imaginais ensemble, buvant un verre, collés l' un à l' autre, partageant même une cigarette et pourquoi pas...La couche de l' homme. Enfin l' inquiétude car au fond, je ne pouvais chasser l' idée que l' absence de l' homme et le silence de Marie étaient liés. J' avais presque envie de descendre les quelques marches qui séparent nos appartements pour sonner à sa porte et m' assurer que tout allait bien.Et puis, je me suis dis qu' il suffisait d' attendre quelques heures, juste le temps que le soleil fasse son apparition et que tout rentrerait dans l' ordre.

2nd Partie

Je m' étais éveillé au petit matin avec un mal de crâne intense.Comme si une foreuse avait agonisé dans un râle atroce à mes cotés durant les quelques heures de sommeil que je m' étais octroyées. Comme si les idées ressassées la veille avaient créées un embouteillage dans le complexe réseau neuronal de mon cerveau l' empêchant ainsi de s' oxygéner convenablement. Je n' avais pas eu la patience d' attendre que l' astre solaire vienne caresser ma joue gauche comme il avait l' habitude de le faire chaque matin.Je m' étais levé d' un bond, avais pris un petit noir serré et étais monté me changer, toujours sans me donner la peine de prendre soin de mes trente deux dents qui finiraient un jour par se compter sur les doigts d' une seule main à ce rythme là.Je décidais tout de même d' attendre les huit heures pour venir sonner à la porte de Marie avec toujours cette même idée entêtante qu' elle pouvait être accompagnée par l' homme d' en face. Les secondes s' égrenaient lentement, forçant ma patience à tenir bon. Dans le silence de l' appartement, seul le bruit crispant de mes dents serrées signifiait ma présence. Telle une statue d' argile, je n' esquissais pas le moindre mouvement. les yeux planqués derrière la paire de jumelles dont le boîtier reposait sur la petite table tasse de verre du salon, j' insistais à nouveau sur le fait que tout n' était que le fruit de mon imagination. Pourtant, malgré ma persistance à vouloir repérer un signe, même le plus petit, l' idée qu' il était arrivé quelque chose cette nuit-là me harcelait comme le goût cuivré du sang qui emplit la bouche et dont on arrive plus à se débarrasser.

Lorsque le moment de me rendre chez Marie arriva, dans l' escalier un ouragan sonore avait remplacé le silence nocturne. La porte d' entrée de l' appartement d' en face était ouverte et son occupante était appuyée contre la rambarde des escaliers, penchée et lorgnant discrètement vers l' étage du dessous. Alors qu' elle semblait hypnotisée par ce qui se déroulait sous ses pieds, elle ne vit pas son persan prendre la fuite en toute discrétion, longeant le mur derrière elle en la contournant avant de poser sa patte avant droite sur la première marche menant à l' étage du dessous. Je n' avais personnellement pas envie de la voir ni plus encore le désir de lui adresser la parole mais ma curiosité mise à mal fut la plus forte et j' ouvrais alors la porte d' entrée pour m' engouffrer dans le couloir. Ce qui devait être en train de se dérouler en bas semblait fort intéressant puisqu' aussi bavarde qu' elle l' était habituellement, la voisine ne détourna pas un instant son regard vers moi et j' en profitais alors pour me précipiter vers l' escalier dont je descendis les marches quatre à quatre. Sur le pallier de Marie, des hommes en civil discutaient entre eux.J' arrivais à peine à distinguer les propos qu' ils échangeaient tant le brouhaha était dense. Quelques mots s' échappaient parfois et me piquaient au vif comme une aiguille : Sang, couple, morts......MORTS !!!

Je me surprenais à espérer que le mot devait se comprendre au singulier. Il était pour moi impossible d' imaginer qu' il s' agissait de Marie et...De l' autre. Un flic en uniforme se tenait penché par dessus la rambarde de l' escalier.Il devait avoir rencontré un fantôme pour afficher un visage aussi blême. Un autre lança un regard intéressé dans ma direction avant de retourner à ses préoccupations. Je l 'entendis prononcer des phrases qui me déconcertèrent. Je compris par exemple que Marie s' appelait parfois.....Marlène ! Qu 'elle ne travaillait pas dans la publicité mais qu' en réalité elle usait de ses charmes, les mêmes que ceux qui avaient attiré le désir du type d' en face, pour une poignée d' euros. J' étais sous le coup de l' émotion. Comment avait-elle pu me tromper? Cette histoire sentait décidément le roussi. Je préférais retourner dans mon appartement afin de digérer ce que je venais d' apprendre. Ça n' était pour moi pas le moment d' afficher une mine défaite quand la police est si suspicieuse lorsqu' il s' agit d' affaires criminelles.

De retour dans l' appartement, j' ouvrais le robinet d' eau froide de la salle de bain et offrais au miroir l' image d' un homme désabusé et fatigué.J' avais, l' espace d' un instant, pris plusieurs années et mon visage creusé de rides semblait s' effondrer sur lui-même avant qu' une larme ne vienne s' écraser sur la commissure de mes lèvres...

A suivre...

L.

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Commentaires
A
Passionnant !!!!!!!!!!
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