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Nouvelles_d'ailleurs
27 juin 2008

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Putain ! Quel prénom. A croire que ma vieille m' avait prédit un avenir radieux dans l' impitoyable univers de la défonce. Me donner le même que l' un des membres fondateurs de la Beat Génération mort d' un cancer du foie était bien l' une des innombrables idées tordues qu' elle s' évertuait à pondre régulièrement. Ma mère avait toujours refusé de me donner le sein lorsque je n' étais encore qu' un bébé. Elle affirmait vouloir conserver son intégrité physique et empêchait donc mes lèvres d' approcher ses tétons. Risible lorsque l' on sait que durant ses sept mois de grossesse elle n' a jamais cessé de vendre son corps aux pires individus du quartier contre une poignée de billets verts. A croire que les fellations et autres sodomies étaient autrement plus acceptables que de nourrir son chiard, comme elle aimait à me surnommer alors. Lorsqu' elle est morte il y a six ans, je me souviens avoir senti perler une larme sur ma joue gauche lors des funérailles. De joie ou de tristesse je ne m' en souviens plus. Déjà trop défoncé à l' époque, je portais en permanence un treillis aux nombreuses poches à l' intérieur desquelles on pouvait trouver toutes sortes de médicaments mais pas un seul capable de vous soigner d' un mal de tête ni d' une envie de vomir. Que des bombes a retardement que je mêlais invariablement à d' autres afin que les effets se ressentent au plus vite et surtout, le plus longtemps possible.

Sept mois. Ouais. Prématuré. Sans doute en avais-je marre de baigner dans le liquide amniotique de ma génitrice. Rétrospectivement, je devais sans doute m' offusquer de voir tanguer d' horribles nuages de foutre et les sentir venir frôler ma peau encore vierge de toutes digressions extérieures.

Mon père? Encore faudrait-il que je puisse lui donner un prénom parce qu' avec les nombreuses "relations" de ma mère, cette dernière n' a jamais été capable de me dire qui il était et surtout ce qu' il était devenu. Sept mois à sortir du ventre de ma mère mais beaucoup moins sans doute pour mon paternel qui en constatant l' effroyable vérité avait dû prendre ses jambes à son cou pas même une semaine après le début de mon évolution dans le ventre de maman. Vu les antécédents de la vieille je ne vois pas un seul de ces décortiqueurs d' esprits que sont les psychiatres être capable d' opérer en moi un changement radical dans ma vision de la vie. Ceux qui me voient comme un étranger ne me donnent que très peu d' années à vivre encore et les autres, la famille et mon entourage proche ne m' en donnent guère plus. Que des pessimistes je vous le dis. Je suis le seul à garder l' espoir d' en avoir encore pour un long moment. Parce que tant que mon esprit parviendra à se vider des monstruosités qu' engendre la société dans laquelle je vis, mon corps devra être capable de suivre la même voie. Je ne sais de mon père que ce que les évasions délirantes d' une mère schizophrène ont bien voulu m' offrir. Sans avoir ne serait-ce qu' un début de réponse quand à son identité, je savais qu' il buvait. Trop. Et mangeait. Trop peu. L' alcool emplissait ses veines d' un poison qui pourrissait l' existence des rares amis qu' il avait et dont le cercle se tarissait au fur et à mesure de ses accrochages. Les delirium tremens jonglaient gentiment avec les comas éthyliques que les plus alcooliques de ses relations lui jalousaient. De l' argent, il en avait beaucoup et c' est ce qui avait tout d' abord séduit ma mère. Un héritage d' après ce qu' elle me disait alors. Une bonne partie avait été engloutie dans l' alcool que mon père buvait de manière métronomique alors que le reste disparaissait dans les veines de la vieille qui n' arrivait plus à réfréner son besoin d' oublier son corps à l' unique profit de son esprit.

Dire que j' ai dû me débattre pendant ma croissance dans le ventre de la vieille est un doux euphémisme. Étrange cocktail que les relents alcoolisés du père ingrat et des substances hautement toxiques de la mère se mêlant au liquide amniotique dans lequel je baignais. Lorsque je suis sorti du trou, mon père s' était fait la malle depuis longtemps et la vieille, défoncée, n' avait eu besoin d' aucune péridurale pour calmer le douloureux passage du fiston du sombre à la lumière. Parait que je n' ai pas poussé un cri au sortir de l' enfer. Une infirmière aurait dit de moi que j' étais blanc comme la mort alors qu' une autre se voyait déjà me transporter jusqu' à la première benne à ordures afin de m' y jeter. Pourtant, la barbaque d' un kilo huit cent était bien vivante. Bien plus qu' aujourd' hui sans doute et j' eu la chance d' avoir comme médecin un homme compétent qui me frappa le premier en me prenant par les pieds et en me secouant comme une poupée de chiffon. Les murs parait-ils auraient conservé jusqu' à présent l' écho du cri que je poussais alors, mes poumons s' ouvrant enfin vers le monde des vivants. Premiers instants de vie et sans doute les plus heureux. Deux femmes en blouse blanche s' intéressant à mon petit corps désarticulé, malingre et rouge vif. Enfermé dans un sarcophage transparent, des tuyaux enfoncés profondément dans le nez et de larges pastilles collées sur le torse, je ne peux qu 'imaginer ces images dont je n' ai jamais eu aucun souvenirs. Les premiers que mon esprit a conservé dans sa boite rouillée sont les mains rugueuses et le regard implorant mon décès de la vieille. Elle pleurait mon arrivée tout en espérant mon départ prochain. Je devais lui rappeler sans cesse mon paternel qui avait fuit et elle n' avait d' autre but, à part la drogue, que de me le faire sentir. Jusqu' à mes huit ans elle avait inventé sous l' effet des drogues, des jeux d' une perversité incroyable. Les bains qu' elle me faisait prendre dans la baignoire de la salle de bain tournaient irrémédiablement au chaos. Après des débuts prometteurs durant lesquels elle me lavait soigneusement la tête au shampooing avant de s' activer sur mon corps à l' aide d' un immense savon de Marseille, elle finissait toujours par grogner avant de m' enfoncer le visage sous l' eau. Elle qui avait toujours refusé de partager son lait maternel avec moi me forçait à boire de larges rasades d' une eau savonneuse infecte. J' avais appris seul à retenir ma respiration mais la vieille, toujours sous l' emprise de l' héroïne, avait elle aussi appris une chose. Que plus je retenais ma respiration et plus elle devait me maintenir la tête sous l' eaux. C' était toujours à celui qui résistait le plus longtemps et à ce petit jeu elle gagnait tout le temps. Je me réveillais presque à chaque fois allongé sur mon lit, nu et presque sec. Je rêvais d' imaginer que maman prenait le temps de m' essuyer durant ma perte de connaissance pour que je ne prenne pas froid mais en vérité la nature suivait son cours et c' était seules que les gouttelettes s' évaporaient pour ne laisser qu' un corps lisse, inerte et respirant faiblement...

"Sur la vitre teintée de la petite table du salon repose un paquet de mes cibiches préférées qu' accompagne toujours un briquet rouge. Ne me demandez pas pourquoi il lui faut revêtir à chaque fois la même robe mais je ne supporte jamais d' avoir en ma possession un objet qui ne colle pas totalement aux teintes sanglantes du paquet de mes cigarettes adorées. Je ri d' idolâtrer ainsi ces dernières puisqu' elles finissent toujours éventrées de leur contenu qui lui se retrouve inévitablement transvasé dans des feuilles aux dimensions capables d' en accueillir la totalité ainsi que d' autres corps étrangers qui une fois inhalés corrompent un brin mes facultés intellectuelles. C' est d' ailleurs le but ultime recherché par mes anciens compagnons de défonce et moi-même. Moi, qui depuis plus de trois ans maintenant ai décidé de ne plus partager la moindre herbe ni la moindre ligne avec quiconque. Ça n' est pas que je sois devenu particulièrement égoïste mais à force d' en voir certains dégueuler leur déjeuner sur mon canapé-lit après un mauvais trip et d 'autres voyager dans des contrées bien trop éloignées des miennes, j' ai fini par me demander qui étaient tous ces types qui venaient frapper à ma porte à longueur de journée, le regard moribond de ceux qui attendent la mort avec fatalité. J' ai surtout compris que l' intérêt qu' il me portaient s' appelait shit, beuh, coke et non pas Allen..."

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